La première mission de Jeff

On était loin d'égaler l'ambiance des boîtes de nuit d'avant le Nouvel Ordre, en terme de volume sonore; loin aussi des bars hots de l'époque. La musique était plutôt moyenne, permettant de parler sans devoir trop hausser la voix.

Après un petit bar, situé après l'entrée, plusieurs banquettes accomodées de tables basses, se dressaient en cercle autour de spots de danse (avec barre verticale) et au fond, d'une estrade surélevée, utilisée pour les spectacles plus imposants du week-end.

Les clients n'étaient finalement pas si rares que la petite file d'attente extérieure le laissait croire. Sans être rempli à craquer, le Blue Sky ferait recette, c'était sûr. Les danseuses qui se la donnaient aux barres avaient leurs derniers sous-vêtements garnis de billets; dans ces endroits là décidément, il n'est jamais de temps de crise qui existe.

L'escalier dont avait parlé le portier donnait sur une sorte de balcon qui parcourait trois des murs, et donnait sur une série de portes. La première, celle à toquer donc, indiquait un banal "Bureau". Et après le toctoc, ce fut un homme d'une trentaine d'années qui ouvrit, réclama la lettre, et invita Jeff à entrer. Si la pièce était quelconque et semblable à tout bureau, elle servait visiblement aussi d'entrepôt de toutes sortes d'œuvres d'art et d'un bric à brac d'antiquités.

"Je me présente: Jonas, je suis le second du Chef. (il serra la main à Jeff). Asseyez-vous, je vous en prie. Ainsi vous avez rencontré Rowan? Ce faignant... Nous l'avons mis en poste à Liberty Hill car il n'est bon à rien. Enfin bref... Avant de m'occuper de préparer cette commande, je dois vous demander si vous êtes candidat à la guilde, ou si c'est juste un boulot ponctuel que vous recherchiez? On manque un peu d'hommes de valeur, en ce moment, alors à tout hasard..."

Jonas proposa ensuite un verre de whisky à son hôte, avant d'attendre une réponse.

"Les avantages, vous pouvez les voir autour de vous."

Et bien, oui... Du whisky, des cigares, des objets d'arts qui se revendent à un très bon prix en contrebande. Jonas était bien habillé et portait plusieurs bijoux en or massif, l'arme à sa ceinture était un Desert Eagle finition chromée... De l'opulence en veux-tu en voila, dans une époque où l'on vit presque comme au XIXème siècle, voile l'avantage.

"Certes, les camelots ont une vie de bohème en quelque sorte, nous voyageons énormément dans la Z.K., ce qui n'est pas forcément très bon pour l'espérance de vie, mais en tout cas, nous ne manquons de rien: ni d'armes, ni de munitions, et encore moins d'argent. Déjà mangé du caviar?"

Le discours était éloquent, et aurait sans doute fait saliver plus d'un badaud.

"Mais si vous préférez en rester là, ce n'est pas un problème. Nous travaillons aussi beaucoup avec des mercenaires indépendants, au contrat en quelque sorte. Ca ne nous pose pas de soucis particuliers. Enfin, vous qui voyez. Bien, voyons cette commande..."

Jonas se leva et invita Jeff à le suivre vers le sous-sol du Blue Sky. Après être repassés par la partie publique de l'établissement, les 2 hommes empruntèrent une porte dérobée, descendirent un escalier supplémentaire et arrivèrent devant une porte gardée par un bonhomme du même calibre que le vigile extérieur, peu ou prou. Jonas parla avec l'homme qui laissa entrer les 2 personnages dans une grande pièce où plusieurs personnes s'affairaient à trimballer des caisses, à compter à voix haute, à faire des piles de caisses, etc. Une vraie micro-entreprise souterraine, c'était le cas de le dire.

Jonas confia le bon de commande l'un des préparateurs de commande (jusque là, rien de bizarre), sans dire un mot. Il regarda ensuite les hommes se mettre à l'œuvre, puis se tournant vers Jeff, il dit:

"Vous pourrez repartir demain matin pour le trajet retour. Vous ne serez pas tout seul, un de nos hommes sera du voyage. En attendant, montez demander une chambre de ma part. ah, et tenez, tant que j'y pense." Jonas sortit de sa poche une liasse de billets verts, en compta un certain nombre qu'il tendit à Jeff "50 $ pour être venus jusqu'à nous avec le bon de commande de Rowan. Si vous amenez ce convoi à bon port, vous en toucherez 350 de plus."

Sur ce, il laissa Jeff aller se coucher ou dépenser cet argent fraîchement acquis au bar, au choix.



[+50 $ ]

Jeff avait écouté ce que Jonas avait à lui proposer. Une vie de bohème, dans l'opulence et la grosseur. Sans doute pas tout de suite, tout de même, mais pourquoi pas plus tard ?
Dans sa tête, Jeff n'était pas dans l'idée d'accepter alors un tel marché. Il appréciait pour le moment sa vie de solitaire, furetant d'un métier à l'autre, acceptant du convoyage suicidaire pour des inconnus sans même avoir pris le temps de lire le bon de commande.
Bref, Jeff n'avait pas envie de rejoindre les Camelots tels que Jonas les présentait. Plus tard, peut-être.

Lorsque Jonas le précéda pour descendre à l'entrepôt, il fut sidéré par le nombre d'articles dans cette zone. Les Camelots contrôlaient la ville ou bien ?
Bref, malgré le faible temps passé dans cette salle, Jeff en restera ébahi pour la nuit. Il comprenait à présent la sécurité de l'endroit. On pourrait presque penser à un fort, par certains aspects. Un fort de débauche, mais tout de même.

Bref, Jonas lui donna déjà un acompte de 50$ pour la peine et lui offrit la nuit au sein du Blue Sky. de quoi assurer la nuit, c'est une bonne chose. Il remercia le Camelot et reprit l'escalier qu'il avait emprunté dans un sens pour revenir à l'espèce de comptoir-accueil, après être passé devant deux molosses...

- Jonas m'offre la chambre, j'ai droit à laquelle ? Et surtout, à quel prix sont les p'tits dej, ici ?

Il avait dit tout cela d'un air naturel et décontracté, un peu fatigué de sa journée, et n'attendait qu'une seule chose: aller se coucher.

La chargée de consigne, une mignonnette blonde d'une trentaine d'année, donna une clef et son porte-clef, de couleur rose, à Jeff:

"La chambre rose, à l'étage. Je vous conseille de verrouiller derrière vous, pour ne pas être dérangé. Et on ne fait pas le petit déjeuner, ce n'est pas un hôtel ici à la base!"

L'étage désignait bien sûr le balcon que le jeune aventurier avait emprunté plus tôt dans la soirée.

La chambre rose ,comme les autres chambres du Blue Sky, était conçue plus pour le pratique que l'agréable: un lit aux draps colorés, une chaise, un lavabo, point. Pour les toilettes, il fallait utiliser celles du bar, au RdC. Mais le bonheur de dormir dans un vrai lit, ça n'a pas de prix...

Jeff put trouver dans le tiroir du chevet quelques préservatifs périmés (j'ai pas dit usagés), et c'était tout; la chambre était bel et bien une chambre de passe, dans le sens ou aucun confort superflu n'était laissé au "client" : il n'y avait même pas une serviette pour s'essuyer la tronche après sa toilette.

Cependant, après inspection, le lit et ses draps s'avèreraient particulièrement propres et sentant un parfum floral, peut-être bien de la lavande. Peu de confort certes, mais au moins c'était propre!