Pause par la case Springfield

"Je t'en pris, sois un peu sérieux pour l'instant... j'aimerais te poser une question."

Allons bon. Chris s'évertuait à laisser place à un peu de légèreté, mais il semblerait que Helene ait décidé d'installer une toute autre ambiance, sous la tente.

En fait, il était un peu, comment dire... Perturbé par les changements rapides d'humeur de la jeune femme, et avait ce sentiment frustrant de ne pas arriver à la suivre. Cependant, docile, il chassa toute trace d'amusement de son visage et s'efforça de se concentrer sur la question qui allait donc venir. Concentration qui fut troublée par le contact des mains, de la peau toute douce de Helene. Tout à coup, il songea qu'elle allait lui demander de sortir avec elle, idée qui effleura réellement l'esprit de Val'; bah, les filles prennent toujours cet air sérieux quand elles font ce genre d'annonce.

Mais plus concrètement, il s'attendait à à peu près tout, sauf à:

"Si je te le demande, ce n'est pas seulement en tant que prêtre, mais bien parce que je t'apprécie Chris... Crois-tu que tu fais le bien...?"

Chris eut alors une sorte d'arrêt sur image, ou de bug informatique, son cerveau planta et il dut redémarrer le système. Nan, sérieusement, la mine d'étonnement qu'il dut avoir collée au visage serait éloquente. Helene, prêtre?

Après le moment d'étonnement, il se dit que ça expliquerait pas mal de choses, notamment toutes ces prières exécutées avec une assiduité extrême, du matin au soir, et ces allusions à sa paroisse. Mais pour le coup, Valentine était quand même étonné. Et surtout, il se disait qu'il essayait de draguer une prêtre, depuis le départ? Alala, elle avait bien caché son jeu, une vraie joueuse de poker cette petite!

Quant à la question, déception... Il ne s'agissait pas d'une demande de fiançailles. Quoique Chris n'aurait pas su donner une réponse catégorique à ce genre de proposition, car c'est un personnage qui aime bien prendre le temps de la réflexion, surtout pour ce genre de décisions. Bref... La question était néanmoins profonde et réfléchie, et sans doute que, vu l'air hyper-sérieux et grave de Helene, il valait mieux qu'il réfléchisse à 2 fois avant d'ouvrir la bouche et de sortir une énième bêtise.

Après s'être un moment trituré les poils de sa barbe au menton (signe de réflexion chez ce jeune homme), il commença:

"Difficile à dire... Tout dépend du point de vue, je suppose; pour nous qui avons un esprit de rébellion, nous avons le sentiment que repousser l'envahisseur et ceux qui leur prêtent allégeance, c'est le bien. D'un autre côté, les collabos défendent leur intérêt individuel et sans doute aussi leurs proches, contre les résistants qui représentent le mal, de leur côté. Chacun des camps est persuadé que ce qu'il fait est juste, mais qui peut dire qui a raison et qui a tort?"

Il se retint d'ajouter: sûrement Dieu, mais il avait envie de laisser de côté la religion, pour le moment. Aller trop avant sur le sujet risquerait de froisser Helene, et maintenant qu'il connaissait son métier, aucune chance qu'il ne s'avance sur ce terrain glissant.

"D'un point de vue plus personnel... Je ne peux pas dire maintenant si ce que je fais est la meilleure chose à faire. Je n'ai pas assez de distance pour le dire, je crois. En revanche, j'ai le sentiment d'être en accord avec mes convictions en me dirigeant vers la résistance. Tu connais mon histoire, alors tu dois pouvoir comprendre pourquoi je prend ce chemin. Et je ne regrette pas de l'avoir pris. Si je ne l'avais pas pris, je ne t'aurai jamais rencontré... C'est une assez bonne raison pour dire que "c'est bien", non?"

Un fin sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme. Il n'était pas du tout certain d'avoir bien répondu à la question, mais il savait qu'il ne pourrait faire mieux pour le moment; autant en rester là, sur une note plus positive, avant de plonger dans un sommeil mérité...

Mais... Chris hésita. Il avait une féroce envie de donner la conclusion à sa dernière réplique, en embrassant Helene. Et il dut lutter contre cette partie bestiale et instinctive de lui-même, notamment à cause de ce qu'il avait appris plus tôt. Elle était dans les ordres, peut-être pas contre l'idée d'un rapprochement plus poussé, mais si c'était le cas, ça serait à elle de faire un pas. Lui ne pouvait se le permettre après cette révélation. Cependant, l'hésitation que Val' marqua, et le trouble de son regard azuré suffirait peut-être à l'instinct féminin très poussé de la jeune femme pour comprendre ce qu'il avait eu en tête à ce moment précis. Avant que cet instant ne s'évapore dans le temps qui est déjà en train de filer entre leurs doigts.

Un petit sourire plus tard, moins expressif mais peut-être plus simple, il déplia son hamac et commença à préparer sa couche pour cette nuit. Sans ajout de la part de Helene, il lui souhaiterait une bonne nuit et mettrait plus de temps que d'habitude à s'endormir, après ces quelques intenses minutes passées entre 4 yeux. Dans le cas contraire... Bin, Helene dirait ou ferait ce qui lui semblerait approprié, et si cela en valait la chandelle, il repousserait un peu le moment de s'endormir.

Il pouvait prendre tout le temps qu'il lui faudrait, c'était l'essentiel. Après tout, elle venait de lui avouer quelque chose risquant d'être quelque peu surprenant juste avant de lui poser "sa" question, il était donc normal qu'il prenne le temps qu'il faille pour reprendre ses esprits, puis de trouver ce qu'il allait bien pouvoir répondre. Toutefois, normalement, pour une telle question, il ne devrait pas y avoir un trop long temps d'attente. À moins que, justement Chris n'eut douté du bien fondé de ses actes, il devrait être en mesure d'au moins répondre par oui ou par non, puis ensuite de développer un peu. Dans le cas présent, néanmoins, il semblait que son agneau est préféré mettre des gants blancs pour répondre. C'était un peu dommage... c'était signe qu'il était soudainement moins à son aise avec elle. Mais bon, pour le moment, revenons au travaille de prêtre.

Bien que la première partie de la réponse du jeune homme ait prouvé qu'il était en mesure de prendre du recule et de concevoir que le bien et le mal n'étaient pas aussi clair qu'il le semblait, ce n'était pas du tout ce que voulait entendre Helene. Après tout, ça, elle le savait déjà, enfin, pas si clair... un but étant bon était facile à définir, seul ses moyens devenaient plus complexe à analyser. Mais même si Chris était en mesure de le comprendre, ce que cette prêtre voulait savoir était son analyse personnelle de ses propres actions, pas se faire expliquer quelque chose qu'elle savait déjà. Mais comme l'aurait dit le Père Jacobson, leur devoir demandait qu'ils soient patients et prévenants. La seconde qualité s'accordait bien avec elle, mais patience et Dagenais... enfin, ça dépendait des circonstances, ici ça allait encore.

Il ne fallu pas bien longtemps avant qu'un sourire tendre se fasse voir sur les lèvres de la jeune femme, regard illuminé d'une douceur s'accordant à la perfection avec ses traits fins. Il n'avait pas dit "bien" à proprement parlé (sauf pour la fin mais bon, la fin ressemblait un peu trop à une tentative de drague), mais il était en accord avec ces convictions et, vu la manière dont il avait parlé, ceci sous-entendait qu'il voyait son choix comme étant le bon. C'est donc pourquoi Helene ne fit que s'approcher légèrement en posant une main sur la joue de son agneau.

"Alors le Seigneur t'accompagnera tout au long de ton chemin. Et je te soutiendrai du mieux que je le peux."

Puis, voyant au fond du regard bleuté du jeune homme une certaine hésitation et une retenue certaine, ainsi qu'une tension chez lui démontrant ce fait, la jeune femme approcha doucement son visage du sien, sourire en coin, afin d'aller poser un bref mais doux baiser sur sa joue. Une fois ceci fait, elle reprit sa position initiale, son sourire si vivant et rayonnant de vie de retour sur ses lèvres.

"He, c'est pas parce que je suis prêtre que ça veut dire que je suis de glace!"

Il y avait une bien trop grande retenu chez Chris à ce moment, visiblement due à l'annonce de son statu. Pourtant, elle restait la même Helene, ce même petit bout de jeune femme plein d'entrain qui n'avait eu, à ce jour, qu'un petit élan d'inquiétude parfaitement justifier (on rappelle qu'Helene est une "prêtre poule"). Prêtre ou pas, elle restait cette même personne qu'il avait jeté à l'eau ou avec qui il avait partagé quelques cigarettes (parlant de ça justement, elle commençait à avoir hâte d'en fumer une...). Il n'avait donc aucune raison de prendre tant de retenu avec elle. C'était d'ailleurs pour ça, au départ, qu'elle avait évité de préciser ce détail. Il faudrait seulement espérer qu'il le comprenne.

Pas à dire, Helene était une vraie oratrice, et elle le prouvait encore une fois; elle devait avoir l'habitude de faire de grands sermons à ses fidèles, à manier les mots avec efficacité pour faire passer les "messages venus d'en haut".

Mais du coup, Chris ne savait plus trop que penser. Comment devait-il prendre les successives "mises à distance" de la jeune prêtre, puis ses "appels à la proximité", comme ce geste et cette bise? Devait-il rester formel dans ses rapports avec elle? Devait-il lui manifester un nouveau respect, plus clérical qu'amical? Il semblait que non, mais le jeune homme avait un doute.

Avant de s'installer dans sa couche préparée plus tôt, il se retourna pour faire face à Helene. Les esprits bien développés remarqueraient que pour se faire, il était à genoux, devant cette femme d'église, on pouvait y voir une sorte de métaphore mais c'était surtout le fait du hasard, cette position; curieux hasard il est vrai.

"Écoute, Helene..."

Commença-t'il, le regard trop fuyant par rapport à d'habitude. Quoi, on parle bien de Chris Valentine, ce mec très direct qui adore regarder les gens dans les yeux, ce mec là? Oui oui c'est le même, il est juste pas comme d'habitude, vraiment. Il chercha ses mots un moment, avant de regarder à nouveau la jeune fille, avec bien moins d'assurance que les jours précédents.

"...Désolé si je vais être trop direct, je n'ai pas vraiment l'habitude de dire ce genre de choses, et avec toi je ne sais pas par quel chemin y aller... Je veux juste dire que... Tu ne m'aideras pas..."

Chris détourna le regard un moment, se dépêchant de chercher les explications qui s'imposaient après cette réplique-bombe qui donneraient sans doute des interrogations à la pelle à la pauvre Helene.

"Je veux dire... Depuis que je t'ai poussé à l'eau, hier, je sais que tu ne pourras pas m'aider, pour 2 raisons. Je ne t'en parlerai que d'une, je pense que tu trouveras l'autre toute seule, après tout tu as un esprit très vif et tu es forte pour sentir ce genre de choses, je pense. Tu ne pourras pas m'aider parce que, à la fin de ton périple, tu repartiras en Pennsylvanie..."

Effectivement, pour un esprit vif, tout était dit. D'ailleurs, ce n'était pas la mine profondément non-joyeuse de Val', d'habitude si souriant et rieur, qui démentirait cette affirmation et ce qu'elle sous-entendait.
Chris se força à retrouver un sourire (pas très convaincant, pour le coup) pour conclure, pour ce soir:

"Il nous reste 2 ou 3 jours de voyage avant d'atteindre Little Rock. J'aimerai qu'on en profite, comme si le temps nous était compté. D'ailleurs, il l'est, pour moi du moins. Je sais pas si tu comprends de quoi je parle, je souhaiterais que oui, et que tu penses comme moi, mais avec ces choses là, le seigneur ne nous est d'aucun secours. Mais la nuit porte conseil... Alors" Il s'approcha de Helene et passa ses bras autour de son cou, l'étreignit délicatement et termina par murmurer à son oreille "Bonne nuit..."

Il resta un peu comme ça, en position de câlin, puis détacha ses bras et se ravisa, avec le même sourire peu convaincu aux lèvres; puis sans faire plus de vagues, il se prépara à s'installer (oui ça fait 2 fois, mais bon) pour dormir...

Tu ne m'aideras pas...

Ces mots raisonnaient dans sa tête alors que l'impuissance l'accablait. Ses bras à l'heure actuelle entourant les épaules de son compagnon de voyage semblaient plutôt chercher un point d'appui pour éviter que le corps auquel ils appartenaient ne s'écroule. Le poids du monde semblait venir tout juste de s'écraser sur les frêles épaules de cette jeune prêtre, incapable, entant que simple pilier, d'en supporter le poids. Le déchaînement de la foudre en percés étincelantes lui semblait n'être rien de plus que l'annonce de cette défaite qu'elle n'avait pas réussi à percevoir.

Non... elle ne pouvait rien concrètement pour ce dans quoi se lançait le jeune homme. Elle n'était pas assez forte pour le défendre à proprement parlé, mais ça, ce n'était qu'un détail, la force n'était pas toujours nécessaire pour un soutient. La seule véritable entrave à ces actes restait la distance. Qu'importe si elle restait un soutient, jamais Helene ne pourrait l'aider au cœur de sa Pennsylvanie natale lorsqu'il serait sur les routes, elle ne pourrait rien pour lui lorsqu'il serait en chemin entre les diverses villes et divers villages de l'Empire en cours. Elle ne pourrait le protéger de ce monde si froid pour l'humanité, elle ne resterait qu'une simple prêtre de campagne, prêtre controversée ne pouvant que prier dans son presbytère, implorant le Seigneur de veiller sur cet agneau. Mais pourquoi ses prières seraient-elles exaucées? N'était-elle pas justement la première à dire que qui veut un miracle doit tout faire pour l'y voir se réaliser? Et elle ne pouvait pas abandonner son église, laisser de côté sa bien trop chère communauté pour un unique agneau qu'elle avait rencontré sur les routes de ce monde meilleure dont tant espéraient secrètement des nouvelles.

Être prêtre, décider d'être prêtre, elle le savait bien et on lui avait toujours dit, toujours répété: c'est un don de soi, un don de soi complet envers le Père Tout-Puissant et ses fidèles. Il lui fallait respecter cet engagement, cette voie qu'elle avait choisi pour venir en aide à ce monde devenu fou, pour apporter la paix et un peu de chaleur dans les cœurs de ceux qui en avaient le plus besoin. S'assurer qu'un regard bienveillant restait posé sur l'humanité, voilà pourquoi Helene avait souhaité servir le Seigneur, pour apporter cette bienveillance et sa lumière. Mais la voilà, aujourd'hui, prêtre entre les bras de son agneau, incapable de supporter l'idée de le laisser aller à son chemin, de le laisser redevenir cet être libre qu'il était. Cette rencontre devait rester momentanée, chacun devaient reprendre leurs rôles, reprendre leur place dans le monde et sortir de cette petite pause dans laquelle ils s'étaient glissées. Dagenais devait retourner entre les mains du Seigneur.

*Que le Seigneur veille sur ton sommeil...*

Incapable de le laisser aller, incapable de le dire. Elle refusait de laisser Chris entre les mains du Seigneur, impuissante. Possessive... elle ne devait pas l'être, il ne fallait pas qu'elle le soit, il fallait qu'elle se détache. Mais elle n'avait que dix-neuf ans!!! Prêtre ou pas, Helene reste une jeune orpheline tout droit sortie de l'abbaye encore mineure!!! Mais non, elle devait se reprendre, redevenir la bergère qu'elle était, oublier de nouveau qu'au fond d'elle-même, elle n'était rien de plus qu'un agneau également. Que le Père l'aide à lui trouver la force, qu'il la baigne de sa lumière afin qu'elle puisse retrouver son chemin.

"...Q...que le Seigneur veille sur ton sommeil..."

Un murmure résigné, plus un abandon qu'autre chose. Elle ne pouvait rien pour le moment, elle ne pouvait que laisser Chris entre les mains d'un Être réellement capable de lui venir en aide. C'est pourquoi elle se força à sourire, que son agneau ne voit pas cette expression si déchirante qu'elle abordait. Puis, alors que l'aîné s'installait pour la nuit, la jeune femme s'excusa et sortie de la tente, cherchant un arbre sous lequel elle pourrait être partiellement abritée. Sous la pluie battante et entourée de l'orchestre environnante, Helene s'agenouilla puis croisa les mains. La pluie lui permettait de se laisser aller à ce qu'elle appelait "sa droiture de prêtre", bien qu'elle savait au fond pertinemment être un brin d'orgueil qu'elle n'avait jamais réussi véritablement à supprimer. Prêtre ou pas, Helene Dagenais était avant tout humaine, peut-être plus qu'elle ne le souhaitait véritablement à vrai dire.

Lorsqu'elle rentra à ce moment l'averse commençait déjà doucement à se calmer et on n'entendait plus que quelques coups de tonner isolés, ici et là. Il fut impossible de dire combien de temps elle était resté ainsi à l'extérieur, mais une chose était sûr, à son retour, Chris dormait. Elle se permit donc de se changer à l'intérieur de son sac de couchage (juste au cas où il se réveillerait), puis de s'endormir au sec. Cette longue prière du soir lui avait fait du bien, juste ce qu'il lui fallait pour confesser au Seigneur lui-même cette étincelle de jalousie qu'elle avait ressenti à son égare et s'en sentir soudainement libérée. C'est pourquoi, une fois le matin venu, Helene s'éveilla alors que les rayons blancs du soleil vinrent réchauffer tendrement ses paupières avec une bienveillance divine. Son agneau dormait toujours, juste ce qu'il lui fallait pour s'éclipser de nouveau pour une prière matinale.

Le sol était encore trempée et les nuages ne s'étaient pas encore totalement dissipés, signe que la pluie venait vraisemblablement tout juste de cesser, ou alors avait cessé depuis peu de temps seulement. Enfin, d'une manière ou d'une autre, ceci permis à la jeune prêtre de faire sa prière sous les rayons blancs du début du jour, ce qu'elle préférait elle ne pouvait le dénier. Le lever du jour... l'espoir et le renouveau, le souffle de vie divin nécessaire à une nouvelle journée apportée par le Seigneur. Helene se sentait vibrer, elle avait l'impression de recevoir cette énergie, de participer à cet éveil.

"Oh..."

Ce n'était qu'un murmure, une simple exclamation l'ayant fait ouvrir les yeux un bref moment. Fermant de nouveau les yeux, sourire infiniment reconnaissant et purement heureux, Helene s'empressa de remercier le Père à plusieurs reprises avant de mettre fin à ses prières et de ce retourner vers la tente. Éclatante de vie, on ne pouvait en dire moins d'elle à cet instant. Pourquoi? Car à ce moment où cette prêtre retournait dans sa tente afin de ranger ses choses, elle venait de trouver comment elle pourrait venir en aide à Chris au cœur de sa petite église de Pennsylvanie.

La nuit porte conseil, oui.

Et quand Chris s'éveilla, comme presque toujours après Helene (les habitudes s'installent vite dans un couple, non?), il avait les idées plus nettes que la veille. Heureusement.

Helene était à côté de lui, en train de ranger ses affaires; il la salua avec un petit sourire de réveil, et quitta la tente à moitié habillé (demi-dévêtu, si tu préfères) histoire d'aller se dégourdir les jambes et piquer un plouf. Sauf que là, il n'y avait pas de rivière à proximité, comme la veille, et le jeune homme, dans la brume mentale matinale, l'avait zappé. Bon, au moins il put prendre l'air un instant avant de retourner chercher ses affaires de toilettes et du linge propre dans la tente, qui se demanderait probablement à quoi jouait val' avec ses allées et venues!

Bref, comme d'habitude, après la petite demi-heure consacrée au triptyque toilette / habillement / rangement, le duo fut de nouveau sur la route, laissant Liberty Hill derrière eux et obliquant sud/sud-est pour se rapprocher de Little Rock. Et, bonne nouvelle, Chris semblait avoir retrouvé de son insouciance et de sa bonhommie naturelles.

Jusqu'au moment ou, peu avant la halte du midi, le jeune homme manifesta l'une de ses bizarreries. Cela commença au moment où il demanda naïvement:

"Donne-moi ta main!" Après quoi il s'aperçut du double-sens de la réplique, et corrigea "Non, pas dans ce sens-là, bien sûr, mais physiquement quoi!"

Une fois la main tendue, il posa en son creux un petit objet long et froid. Une de ses chaînes en argent, celle avec le crucifix, qui avait appartenu à sa maman. Il ajouta comme explications:

"J'aimerai te la donner. Tu n'as pas le droit de refuser! Depuis que je porte cette chaîne qui était à ma mère, il m'est arrivé de belles choses; et je souhaite qu'en te l'offrant, il t'arrive aussi de belles choses. Et puis, je peux pas prendre le risque qu'une fois loin de tes yeux, je finisse par être loin de ton cœur!"

Après avoir ri de la petite blague, il s'apprêta à essuyer mille refus de la part de Helene de prendre le bijou, et sur ça, no way mais il resterait ultra-ferme; pas question qu'elle ne le prenne pas! Ce geste lui tenait trop à cœur, car plus que quiconque, il voulait que ce soit elle et elle seule qui prenne possession de cette chaîne. Pourquoi? Parce que le cœur a ses raisons, que la raison ignore!

La route commença doucement, l'ambiance semblait avoir suivit les rayons ensoleillés, baignant la matinée dans une humeur chaleureuse et agréable, propice à quelques rires et au si traditionnel sourire indéchiffrable d'Helene Dagenais. Profiter de la journée, apprécier de chaque seconde et de chaque souffle que le Seigneur lui offrait en compagnie de son agneau, voilà ce qui donnait l'impression que cette jeune prêtre de campagne portait la Vie en elle-même. Et à chaque instant, chacun de ses petits et cours instants où elle se laissait aller à s'égarer pendant une fraction de seconde et prendre un minimum de recule histoire d'apprécier le moment ne serait-ce que d'avantage, elle remerciait le Père Tout-Puissant, inlassablement. Et c'est donc avec ce sourire radieux et cette étincelle de vie dans ses yeux semblant rouges lorsque éclairés par le soleil matinal que le duo s'arrêta enfin pour le repas du midi.

"Donne-moi ta main!"

D'abord surprise, Helene hésita à tendre la main, ne voyant pas tout de suite à quoi Chris pouvait bien avoir pensé comme autre sens à cette phrase. Enfin, il ne lui fallu que peut de temps avant de s'exécuter et de tendre la main, curieuse d'apprendre les intentions de son agneau. Son sourire habituelle ne tarda pas à fondre légèrement en une expression légèrement surprise alors qu'elle posait les yeux sur la croix venant tout juste d'arriver au creux de sa main. Expression qui, d'ailleurs, reprenait ses traits d'une paisible bienveillance alors que la prêtre de campagne apprenait l'histoire de ce bijou. Du bout de l'index, elle traça la croix argenté avec délicatesse, avant de poser les yeux vers Chris, tendre sourire sur ses lèvres pâles alors que ses doigts se refermaient sur la croix.

"Et puis, je peux pas prendre le risque qu'une fois loin de tes yeux, je finisse par être loin de ton cœur!"

Une expression agréablement surprise pris place sur le visage d'Helene, exactement ce qu'il fallait pour revoir naître son expression si dynamique et si lumineuse qui avait eu tôt fait de douter ses paroissiens à son arrivée. Oui, elle était amusée par cette dernière réplique, mais d'une très bonne manière.

"Quoi!? Tu crois vraiment que j'ai besoin de quelque chose de matériel pour que tu restes dans mon cœur!?"

En disant cela, Helene n'avait pu s'empêcher de rire joyeusement, d'un rire autant dynamique et vibrant qu'elle ne l'était que doux et bienveillant. Aussi, elle ne tarda pas à se calmer et à laisser revoir sur son visage ses traits éternellement bienveillant et une expression plus calme, mais pourtant tout aussi souriante et claire. Le visage de son agneau voulait tout dire, elle ne pouvait pas refuser. Et à vrai dire... elle n'avait pas spécialement envi de le faire non plus. C'est pourquoi elle serra le crucifix contre son cœur, petit geste banal qui se passait de mot et voulait tout dire.

"J'en prendrai grand soin. Et lorsque tes voyages t'entraînerons dans mon coin du pays..." elle ferma les yeux et passa ses mains sous ses cheveux avec une certaine lenteur histoire d'attacher la chaîne d'argent à son cou, "...tu pourras la retrouver ici en parfait état...!"

Après un court moment, la jeune prêtre se leva en ajustant ses lunettes, disant aller chercher du bois mort pour faire un petit feu. Bon à vrai dire, elle s'était plutôt dit que, maintenant qu'ils étaient maintenant dans la zone plus forestière des Middlands, elle pourrait en profiter pour tenter de repérer dans la nature encore pure quelques petits buissons fruitiers pouvant leur apporter un petit luxe.* Enfin, après un court temps, Dagenais revint au près de Chris, présentant le fruit de ses trouvailles et commençant à installer de quoi faire un bon feu. Après tout, la veille ils n'avaient pu profiter de cette source de chaleur, et bien aujourd'hui, elle ferait cuire du riz pour deux et, suite à ce repas simple (composé d'un bonus si accordé par dame nature), profiter d'une bonne cigarette qu'elle ne manquerait pas de proposer à son agneau.
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*So my dear dear GM, est-ce que je trouve quelque chose d'intéressant à proximité? Si oui, voyons voir si avec mes comp' en botanique je trouve/reconnait quelque chose de comestible. (Bah quoi, avec ce niveau, je ne peux tout de même pas espérer reconnaître des herbes aux propriétés médicales, faut être réaliste!)

[Sorry for the answering-time ^^' ]

Une bonne chose de faite. Je parle de l'opération "je te donne un petit bout de mon histoire pour gagner ton cœur", évidemment. Oh non, le geste n'était pas fait juste pour obtenir les faveurs de Helene, loin de là en vérité, mais le fait est que c'est aussi une façon d'interpréter ce cadeau. Nous ne nierons point cependant que Chris espérait que, d'ici à ce qu'ils se quittent, la jeune fille lui aurait aussi offert quelque chose d'elle. Mais cet espoir muet s'évapora très vite loin de l'esprit de Val' qui, la route aidant, se reconcentra sur la marche.

La halte de midi: ô joie! C'est pas que, mais les deux tourtereaux n'avaient pas diné, la veille au soir, cela faisait donc près de 24h qu'ils avaient le ventre vide; or, je ne sais pas si l'on se souviens des premiers posts de ce topic mais, il y avait été question d'un Chris aussi vorace qu'un ogre. Aussi, continuer la route, ne serait-ce qu'une minute de plus, sans rien avaler, cela aurait été un vrai supplice!

Pour une fois, les rôles étaient inversés: Helene avait pris l'initiative de s'occuper du bois, laissant Chris s'occuper de la casserole à remplir d'eau. Pas de cours d'eau à proximité, alors il vida le litre d'eau de sa gourde, ce qui serait suffisant pour cuire le riz. Crack, une allumette pour faire partir le feu sur les branches ramenées par sa compagne (de route, pour le moment encore, mais patience), et c'est parti mon ami.

Demi-heure plus tard, les deux jeunes gens se repaissaient d'un repas bien bien bien mérité (côté Chris, je parle), fait de riz et de légumes. Les provisions baissaient cruellement mais le jeune homme ne s'en inquiétait pas outre mesure: ils ne devaient plus être qu'un un jour et demi de marche de Little Rock, peut-être moins, et ils avaient encore de quoi bien se porter jusque là question ravitaillement. Cela dit, il leur faudrait faire quelques courses avant de repartir de cette ville, où qu'ils aillent d'ailleurs.

Le repas terminé, Helene offrit une cigarette (je me permet, vu que c'était annoncé dans ton post d'avant ^^' ), que Val' alluma avec un tison du feu de cuisson, inspirant longuement la nicotine avant de l'exhaler en cerceaux voluptueux. Il était bien maintenant: repu, rassasié, et il ne flottait plus, bref, autant de raisons pour avoir le moral au beau fixe. Si ce n'était du départ à venir de Helene pour sa contrée d'origine, il aurait réellement été on ne peut plus heureux. Allongé, tête appuyée contre son sac à dos, Christie (eh oui, c'est son vrai prénom, ne l'oublions pas!) ferma les yeux et se laissa aller à rêvasser un moment, clope au bec, se demandant fugitivement à quoi ressembleraient les prochaines semaines, dans sa probable nouvelle situation de camelot (du moins l'espérait-il). A vrai dire, quand bien même il avait grand désir de rallier cette faction de la résistance, il ignorait pas mal de choses à son sujet: le type de missions, leur dangerosité, etc. Mais il avait le goût de l'aventure assez développé pour convenir à ce qu'il pouvait imaginer être "le quotidien d'un convoyeur rebelle". Enfin, qui vivrait verrait en temps et en heures.

Après cette pause-repas plutôt détendue, le duo se remit en marche après l'extinction du feu, toujours plein sud/sud-est, direction Little Rock. Une autre demi-journée de marche pendant laquelle Chris en profita pour poser LA question à 100.000 dollars:

"Qu'est ce qui t'a amené dans la voie religieuse?"

Complètement; 100.000 dollars ou plus même. Il faut dire que ce point restait énigmatique à ses yeux, presque autant que la concernée qu'il avait, en dépit de ces points d'interrogations, appris à apprécier au point de s'y attacher un rien outre-mesure. Donc, autant poser la question, quant à la réponse, peu importe sa teneur en fait; il était juste curieux de savoir pourquoi.



[Pour moi -2 portions de légumes, -1 allumette
Pour Helene je suppose que -2 en riz et -2 cigarettes, à confirmer par l'intéressée! ]

[Exactement ]

"A better world..."

C'était sa réponse, sa réponse à toutes ses questions, la réponse à toutes ses nuits où elle avait crié à l'injustice, insultant Dieu le Père lui-même dans sa propre demeure. Faire un monde meilleur, c'était la réponse d'une enfant de sept ans qui essaie de se relever et de courir vers les autres, de courir vers la lumière qui s'était échappée. C'était la réponse d'une jeune adolescente qui s'indigne devant chaque injustice à partir de sa position d'orpheline élevé au cœur d'une petite église de Pennsylvanie. C'était la réponse de cette même gamine ayant vu ses rêves s'évaporer face à la réalité. C'était jeune qu'Helene Dagenais avait décidé de mettre fin elle-même à l'injustice, d'apporter elle-même la lumière si elle ne voulait pas venir jusqu'aux autres, qu'elle serait une marchande de rêve, ou du moins, une porte vers les rêves. Voilà pourquoi elle était entrée si jeune à l'Abbaye afin de suivre les enseignements divins, voilà pourquoi, aujourd'hui, on l'appelait prêtre Dagenais, mademoiselle la curée, "Bright Helene" (inventé par quelques adolescents de son village) et encore bien d'autres manières.

"J'ai moi aussi perdu mes parents assez tôt," fit soudainement Helene en sortant de sa soudaine rêverie, donnant enfin un peu d'animation à ce corps semblant s'être laissée emporté par le courant d'une rivière divine, "j'ai été élevé, depuis mes sept ans, dans une église avec quatre autres enfants. J'ai vus tant de choses... Autant la paix que cela pouvait apporté, autant la déchéance du monde extérieur. La peur... l'absence de lumière... le manque de justice... la résignation la plus profonde... Si moi j'ai pu être sauvée, pourquoi est-ce que les autres ne le pourraient pas?"

Le regard d'Helene était intense, pénétrant et plein de passion. Elle bougeait peu, contrairement à son habitude, seule le rythme de sa respiration semblait se laisser voir discrètement. Pourtant, tout son être dégageait une telle passion, une telle intensité. Son expression ne disait pratiquement plus rien, seule sa voix et ses yeux laissaient entrevoir ce brasier ardent, ces flammes monstrueuses témoignant de toute sa volonté. Portée par ce rêve... pour le bien de l'humanité, il n'y avait rien qu'elle ne pouvait pas faire.

"Je voulais créer un meilleur monde, un monde plus sûr pour ceux qui, comme moi et trois des autres enfants avec qui j'ai grandis, comme la plus part des gens vivant autour de moi, un monde plus sûr pour ceux qui ne peuvent entreprendre le grand voyage vers les terres libres. Les plus faibles ont besoin de cette protection, de cette lumière, de cette petite étincelle de paix et de sécurité. Être prêtre... c'est ma participation à la résistance. Et tant pis si je ne peux pas me permettre dès maintenant de rejoindre la Mission Chrétienne, mon église restera toujours un lieu de protection pour tout être humain."

Se battre sans pouvoir le faire, voilà ce que faisait Helene: elle se battait sans en avoir les moyens. Seule dans son monde plein de danger, elle ne pouvait que prier le Seigneur un peu plus fort chaque jour pour qu'il l'aide à protéger son église et sa communauté, qu'il l'aide à préserver la paix.

Sur ce, elle alluma sa cigarette et en pris une longue inspiration, fermant les yeux, laissant son dos retomber contre le tronc d'un arbre avant de laisser aller une fumée grise se mêlant à celle du feu de camp. Puis, la jeune femme entrouvris les yeux et tourna la tête vers Chris, sourire en coin porteur de vie de nouveau en place sur ses lèvres. Elle tassa du bout des doigts quelques mèches rouges derrière son oreille avant de prendre sa cigarette entre ces mêmes doigts.

"C'est ma façon de faire le bien."

Et oui, être prêtre était sa réponse à cette fameuse question qu'elle ne se lassait jamais de poser. Être prêtre... c'était sa manière de faire le bien autour d'elle.

Si Chris était la bonté et l'innocence incarnées, il avait trouvé son âme-sœur; il savait déjà, bien avant la réponse de Helene, que celle-ci était une bonne âme, mais pas à ce point. Quant à l'innocence, elle l'égalait sans doute; car de toute évidence, aussi beau et noble soit son idéal, la jeune prêtre de Pennsylvanie ne pourrait sauver toutes les âmes damnées de ce monde. A l'avis de Chris, tout le monde ne mérite pas le pardon et l'absolution, oh que non: les collabos volontaires, agissant de leur plein gré et pas juste à cause de la menace d'un pouvoir supérieur, ceux-là à son avis ne méritaient aucun pardon; d'ailleurs le jeune homme avait déjà prouvé cette opinion bien tranchée en actes, tout aussi tranchés...

Oui, la volonté de Helene était belle et bonne, au sens de Valentine, mais comme beaucoup de choses émanant de la religion, une certaine part de cette belle volonté se résumait à une part de naïveté: l'être humain ne nait pas naturellement bon, contrairement à ceux que le très-haut peut dire. Tous ses chers agneaux ne seront pas sauvés, non, certains des pires seront sacrifiées sur l'autel de la justice.

"Je te souhaite d'y arriver, avec tout le discernement que requiert cette tâche."

Dit-il pour conclure simplement, impliquant son opinion dans ces quelques mots sans toutefois vouloir décourager Helene; d'ailleurs, Chris imaginait qu'elle ne se découragerait pas pour ça. C'est là ce qui embête le jeune homme, chez les gens d'église: parfois ils voient un peu trop la vie en rose, mais tout n'est pas que pardon et repentance.

Le soir tombé, la routine habituelle reprit ses droits: montage de tente, recherche de petit bois, feu, cuisine, et repas, puis dodo. Que dire de plus, à ce stade du voyage les choses se faisaient tout naturellement entre eux deux, les mots n'étaient même plus utiles pour le partage des tâches. A croire que ce voyage avait contribué à rapprocher les deux jeunes gens au point qu'ils se comprennent mutuellement sans dire grand-chose, pour ce genre de tâches.

Reprenant toutefois son habitude, comme il ne pleuvait plus, Chris dormit sans Helene (quel dommage), dans son hamac installé à même le sol à côté de la tente; fin de la proximité de leurs personnes dans la moiteur des nuits d'été, au grand regret du bellâtre Val' qui n'aurait pas refusé de passer une autre nuit tout près de sa compagne de route!

Mais au petit matin, une visite impromptue bouleversa quelque peu la routine du duo. Chris qui avait dormi hors de la tente, entendit le chariot arriver et s'arrêter non-loin de leur camp improvisé, et émergea d'un sommeil assez court pour voir se dont il s'agissait. Dans le doute, il se saisit de son sac de voyage posé non-loin, pour être prêt à sortir ses armes blanches en cas de nécessité; on ne sait jamais sur qui on tombe, quand on voyage n'importe où...


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