My wayyyyy

"Ah, te voila toi!"

Le chat se dandinait tranquillement au milieu de la place centrale de Little Rock, l'air de rien; un peu plus et ce nigaud n'aurait pas vu sa maîtresse qui bondit littéralement en sa direction.

"Ah, c'est toi. Merde, il ne t'as pas tuée alors, le pauvre innocent que tu as entourloupé?"

"Ahah, c'est très drôle ça, décidément t'as raté ta vie mon pauvre pépère! Bin oui, t'aurais dû faire comique! Alors, où est la dinde? Tu y as pensé?"

Lydia se pencha et le matou grimpa sur ses épaules.

"Pas besoin, j'en ai une sous les pattes, là. Bref, tu as réfléchi à ce que tu voulais faire, ou bien? Tu veux toujours rencontrer le chef des Camelots?"

"Non, mon cher ami, les plans ont changé! Figure-toi que j'ai eu une idée brillante en me levant ce matin..."

"Tiens donc..."

"Aaah, ne commences pas à m'interrompre, sinon on s'en sort plus! Oui bon, je disais que j'ai eu une idée brillante en me levant ce matin, une idée du genre révolutionnaire! Prépare-toi à voir du pays, mon cher Lemmy"

"Jimmy..."

"Oui bref, mon cher Jimmy, car on va aller voir un Khuran!"

"...T'es pas sérieuse?"

"Rooh, je te vois venir! Et bien penses-tu, il y a une rumeur qui circule, dans cette ville comme dans d'autres, selon laquelle il y a des Khurans qui sont passés de l'autre côté du miroir... Ou si tu préfères, il y a des Khurans gentils. Bon, ça va, tu me suis jusque là??"

"Oui oui, je t'en prie continue cet ô combien intéressant récit."

"Bien. Et bin, figure-toi que ces gentils Khurans, et bin ils se sont cachés. Bah oui, parce que les méchants Khurans, que l'on connait si bien toi et moi, et bin ils veulent faire la peau aux gentils Khurans! Tu suis toujours le principe, c'est assez clair...?"

"Ouaip. Et donc?"

"Et donc les gentils Khurans sont cachés ici, dans le territoire libre, quelque part. Mais mais mais, figure-toi que une rumeur court selon laquelle un ou plusieurs des gentils Khurans cachés seraient planqués pas très loin d'ici."

"Je vois... Fiabilité de ta source miraculeuse?"

"Proche de zéro, je l'admet: c'était un mec qui décuvait que j'ai croisé ce matin en sortant du bordel au ciel bleu. Mais tu ne trouves pas que c'est une piste qui mérite d'être explorée???"

"Franchement?... Comment dire... Non."

"Rah, laisse tomber, t'y comprends rien, c'est des trucs d'humains. En tout cas, saches, mon cher Lemmy"

"Jimmy..."

"Oui bon, pas ma faute si tu ne t'appelles pas comme tu devrais, aussi, hein! Mais saches que de ce fait, les priorités changent: on va aller à la rencontre d'un de ces planqués de Khurans, lui faire passer un sacré interrogatoire sur ses foutus copains du Texas, et comme ça on aura plein d'informations utiles pour peaufiner notre plan! C'est génial, non?? Non?? Si?? Oui???"

"Fabuleux. Juste que... Comment dire... Tu ne trouves pas que ton plan pour trouver ces Khurans est... Léger? D'abord, t'es même pas sûre de l'endroit où on peut en trouver un vu que tu as interrogé un poivrot ivre mort, alors ça commence mal, ta fameuse expédition, non?"

"Rah c'est vrai ça... Je devrais faire quoi, d'après toi?"

"Bin... Pour commencer, obtenir des informations plus précises et plus fiables. Regardes où on est."

Lydia jeta un regard circulaire à 360° (vi... sinon c'est pas circulaire) sur la place; il était seulement 8h30, ou 9h (j'ai pas de montre), mais déjà le coin était animé: il y avait beaucoup de vendeurs ambulants qui, installés derrière des étals de fortune ou assis sur des vieux tapis, hélaient les passants, habitants ou voyageurs, vantant les mérites de leurs produits de pacotille.

"C'est un marché!"

"Ouiiii, c'est bieeeen Lydia, bravoooo pour cette merveilleuse et brillante déduction... Et ça veut dire quoi?"

"Bleh, je sais pas moi... Qu'on peut acheter des choses?"

"oui, certes, mais on s'en fout de ça. Regardes bien, il y a, il y a...?"

"... Des vendeurs ambulants? Des clients ambulants? Des préservatifs à moins de 1$ ? Ma mère qui fait un strip-tease? Jésus?"

"... Il y a du monde, crétine!! Des habitants, des voyageurs, même des soldats de l'armée rebelles peut-être. Ça veut dire plein de monde que tu peux interroger."

"Ah oui, t'es pas con toi, dans ton genre. Comment elle s'appelle déjà, ta race?"

"Osef de ma race, occupe-toi plutôt de remuer ton cul et d'aller interroger les gens, là au moins tu seras utile à quelque chose, à toi-même, pour une fois. Et il va neiger, si ça arrive..."

"Sérieux?"

"... Non, c'est une façon de parler, grosse débile. Tu sais que tu me déprimes complètement, par moments? Allez, choisis un gus et va lui poser tes questions! On va pas y passer la vie, bordel de pompe à chiottes!"

"bon bon..."

Lydia observa badauds et commerçants, autochtones et voyageurs de passages, se demandant qui diable aurait les réponses à ses questions.

Finalement, après un moment de réflexion, elle décida de faire en 2 temps: d'abord, se renseigner sur la présence des soldats rebelles dans la ville. Elle irait alors les interroger, car à son avis, les soldats seraient plus au courant que les civils à propos des Khurans cachés.

Tout de go, elle se dirigea vers un vieux vendeur de légumes secs qui, dès qu'elle s'en fut approchée, la héla:

"Ils sont beaux mes légumes, ils sont"

"La ferme, j'en veux pas de tes légumes! Ils sont moches comme toi! Dis-moi plutôt où se trouvent"

"Si t'achètes pas mes légumes, jeune effrontée, va voir ailleurs si j'y suis! Ils sont beaux mes légumes! Ils sont beaux mes légumes!"

Lydia resta un instant interdite, se demandant si ça peut encore s'inventer, des crétins pareils, quand le chat intervint:

"La diplomatie, tu connais? Non? Mais bordel, comment tu veux que le gars te réponde si tu l'envoies chier avant même d'avoir posé tes questions?? Allez, essaye un autre, et cette fois sois POLIE, nom de dieu!"

"Maiheu... Bon, essayons avec cette vieille, là bas."

"Lydia négocie un renseignement, 2ème... Clap!"

"Bonjour à toi, vieille femme qui vend des... Qui vend quoi, en fait? Ah, qui vend des euh... Superbes... Non sans rire, c'est quoi que tu vends, mamie? Des saucisses?? Naaan, c'est pas des saucisses ça! Si??? Si??? SIII???? Et bin. Ahhh, j'ai compris! En fait vous avez un business caché avec les pompes funèbres, vous êtes payée pour empoisonner les gens? Ahaha, très astucieux! Soit, je ne vous achèterai rien donc, faut pas déconner, mais auriez-vous l'amabilité de bien vouloir m'indiquer"

"Dégage, la morveuse!"

"... Je vous remercie!"

Lydia s'éloigna sous le regard sévère de la vendeuse de saucisses (à l'aspect douteux, il était vrai), en grommelant:

"Maiheu! J'ai été polie et tout cette fois! Sale vieille peau!"

Jimmy corrigea le tir une seconde fois:

"Comment dire... Tu devrais"

"Ah non, toi tu commences pas à me dicter ce que je dois faire, hein, parce que là, ça va bien merci! Non mais eh oh!"

"Ok... Lydia négocie un renseignement, 3ème... Clap..."

Cette fois-ci, elle jeta son dévolu sur un vendeur d'espadrilles en peau de daim (ou de veau peut-être, on n'est jamais sûr de rien dans ce bled de toutes façons).

"Bonjour monsieur le vendeur d'espadrilles! Je vous prie de bien vouloir avoir l'amabilité de me fournir un renseignement! Je souhaiterais savoir où je peux trouver les soldats de l'armée du territoire libre s'il vous plaît!"

"... Hein?"

"Je... Grmpf!" *inspiration, expiration* "Où puis-je trouver un mandataire de l'armée du territoire libre?"

"...Vous voulez voir un soldat?"

"Oui!!! Oui c'est exactement cela monsieur, où sont-ils basés s'il vous plait?"

"Et bin..."

[GM pour la suite]

"Et bin... Ils ont un campement au nord-est de la ville, c'est à quoi, 15/20 minutes à pied."

Dit le vendeur d'espadrille, qui jaugea du regard la rousse un peu bizarre...

"Sinon... Vous voulez une paire d'espadrilles en peau de daim? 15$ la paire, c'est pas cher."

Les affaires, c'est bien connu, ça ne s'arrête jamais.

Avant même que le vendeur ne formule une proposition commerciale, Lydia avait préparé son coup: elle avait sortie une pièce d'1$ de sous sa robe (ne me demandez pas où elle cachait ça), et l'avait lancée vers le vendeur d'espadrilles avant de se barrer en criant:

"MERCI !!"

Et elle avait disparue dans la foule bigarrée.

"Ahah, heureusement que j'avais prévu le pourboire avant qu'il ne réclame, hein Jimmy!"

"..."

"T'as raison, il n'y a rien à dire, pas de mot assez fort pour qualifier mon intelligence, je sais je sais. Bon, direction le sud-est!"

"Euh, il a dit le nord-est..."

"Bin oui, c'est ce que je viens de dire, le nord-est! T'es vraiment bouché mon pauvre ami!"

"..."

"Go go go!"

Étonnamment, Lydia trouva le nord-est toute seule (bah quoi, elle a 22 en INT quand même), et imprima un bon rythme de marche pour arriver au campement militaire à peu près dans les temps indiqués par le vendeur d'espadrilles en peau de daim. Je vous épargne le dialogue perpétuel avec le chat pendant le trajet.

Bref, arrivée à quelques dizaines de mètres de sa destination, la rouquine aperçut les tentes aux couleurs sombres délavées par une succession de soleil et de pluie, et fonça dans leur direction.

En voyant arriver une fusée rousse habillée d'une robe rouge, certains soldats mirent leurs mains sur leurs armes, puis se ravisèrent alors que cette timbrée s'arrêta devant le camp, mains sur les genoux, essoufflée.

"Fiou! Ça c'est de la course! Quand j'étais très jeune, à peine quelques centaines d'années, il existait des jeux, qui appartenaient à un certain Olympique; tous les 4 ans, il les prêtait aux gens, et puis"

"Ça va, ça va, évite de te rendre ridicule tout de suite et continue ton enquête, au lieu de dire des âneries."

"Oui oui, je ne pense qu'à ça, cher ami à poil ras. Tiens, je vais m'adresser de ce pas à ce fringant apôtre de la justice, juste là."

Lydia se dirigea vers un soldat quelconque qui se trouvait là, et qui visiblement se rasait la barbe avec une petite lame de rasoir, à sec.

"Wah, vous, vous êtes un homme, un vrai, un dur! Vous ne vous coupez jamais, à manier ainsi une lame si tranchante? Non? Bref, en fait ça ne m'intéresse pas, je veux juste vous demander si vous connaissez les Khurans cachés? Oui? Non? Si vous ne connaissez pas, je vous serai gré, jeune et brave soldat, de m'indiquer une personne qui les connait, je vous prie."

"Ya du mieux, ya du mieux..."


[ -1$ ]

"Les quoi?!"

Demanda le soldat en train de se raser, se retenant à grand peine d'éclater de rire. Il avait vite cerné le côté allumé de Lydia, et se dit qu'elle devait pas être finie, cette petite nana.

"Ahahah, elle est marrante cette p'tite dame! Allez voir le capitaine Delson, 3ème tente à droite. Mais ne lui dites pas que c'est moi qui vous ai envoyé hein!"

A l'avis de ce jeune sergent, le sérieux Delson ne pourrait pas résister à pouffer de rire devant cette foldingue, c'était presque un défi que de lui faire rencontrer cette nana.

Faut bien qu'on se marre, de temps en temps, dans l'armée, hein; alors on fait avec ce qu'on trouve!

"Hum?"

Lydia ne comprit pas la plaisanterie dont elle était la cible; elle haussa les épaules et répéta:

"3ème tente à droite, 3ème tente à droite..."

Elle s'éloigna dans la bonne direction, s'arrêta devant la bonne tente, et frappa au tissu (une tente, ça n'a pas de porte) 3 coups secs.

"Est-ce que monsieur le capitaine Delson est là?"

Elle attendit un instant devant l'ouverture de la tente, puis entra directement, repéra le gradé, et se planta devant lui, avant de ressortir sa politesse et ses discours:

"Bonjour, je me présente: Hell Hammer, pour vous servir, ou presque! Excusez mon entrée inopinée dans votre humble demeure, mais je suis en mission secrète, et conséquemment je suis pressée. Je vous expose ma situation rapidement: je suis en pleine vendetta contre les Khurans du Texas, et pour accomplir mon devoir, je dois rencontrer les gentils Khurans qui sont de votre côté. Problème numéro 1: je ne sais pas où ils sont. Problème numéro 2, consécutif: je ne sais pas où je peux les trouver. Or, je me suis laissée dire que l'armée rebelle entretenait d'étroites relations avec ces personnages; aussi, je vous prie de bien avoir l'extrême amabilité de bien vouloir me renseigner, monsieur!"

Voila un problème bien exposé, de façon détaillée mais pas trop, bref, le discours d'introduction parfait. Lydia se félicitait intérieurement de sa clarté et elle espérait maintenant que le capitaine se montrerait coopératif; c'est qu'elle n'avait pas envie de devoir user de la force pour obtenir les renseignements convoités.

Dans la tente un peu plus grande que les autres, se tenait le "bureau" du capitaine Delson, plus haute autorité de ce petit camp de militaires de l'armée rebelle. Ledit capitaine sirotait au calme son simili de café matinal avant d'être interrompu par cette tornade rousse et son chat.

De suite, il se dit qu'il avait affaire à une fille pas très nette, mais il l'écouta quand même sans broncher, juste en souriant de manière presque imperceptible. A la fin du discours, il montra le petit tabouret face à son "bureau" (une planche, deux tréteaux) pour qu'elle s'asseye, et en plaça enfin une:

"Enchanté de vous connaître, "Hell Hammer". Joli nom de code, au passage. Bon, je vais être aussi bref et clair que vous, moins lyrique cependant: vous voulez rencontrer un Farsighted, si j'ai bien compris. Et bien, vous n'en trouverez aucun dans ce camp, je le regrette. Comme vous l'avez dit vous-même, ils se cachent, moi-même je n'en connais qu'un. Et je ne suis pas habilité à vous donner sa position."

Bam. Ça tombe comme un coup de marteau, ça aussi.

"Cependant... Votre histoire abracadabrante ne me parait pas très nette. Vous venez du Texas, vous dites? Et vous souhaitez faire tomber les Khurans locaux, si j'ai bien compris... Ça mérite peut-être l'attention de notre état-major, enfin, si tout cela est exact. Je vous enverrai bien rencontrer les hauts-responsables de l'armée rebelle, à Wolf Hill, mais je ne peux pas le faire sur de simples assertions, aussi intéressantes soient-elles. Vous devez fournir des preuves de ce que vous savez, compiler un rapport contenant vos informations... Vous comprenez?"

L'aide de camp du capitaine pénétra à ce moment là dans la tente, et le capitaine l'interpella:

"Sergent Morrisson, trouvez-vous de quoi écrire et installez vous avec nous. Je vous présente "Hell Hammer", une texane qui m'a fait part d'informations que je voudrais que vous compiliez en un rapport écrit."

"Tout de suite, capitaine."

Lydia se rendrait peut-être compte (ou pas, vu sa personnalité excentrique) qu'elle avait une chance phénoménale: ce gradé était en train de la prendre assez au sérieux pour lui demander plus d'informations sur ce qu'elle savait, le tout pour l'aider à rencontrer l'état-major et donc, les Khaars.

"Je vous écoute, capitaine, madame."

"Allez-y, Hell Hammer, faites nous un rapport aussi détaillé que possible de votre situation, nous vous écoutons."

Peut-être un défi de taille: raconter ce qu'elle savait sans passer pour une folle...

Aussi louche soit-elle, Lydia sait à peu près quand il s'agit d'être sérieuse; d'ailleurs, en vérité, sérieuse elle l'était tout le temps, juste que parfois, elle s'enflammait un peu beaucoup sans s'en rendre compte.
Mais là, elle avait à peu près compris que ce capitaine voulait entendre sa version complète, en 5 tomes, de son histoire, de la raison de son obsession, tout ça pour quoi? Pour avoir accès à ces "Farsighted", rien que ça. Ça valait le coup de faire une grand récit détaillé, donc.

"Ok, ça va être long, et vous paraître parfois absurde, mais ne m'interrompez pas s'il vous plait; c'est déjà très pénible de devoir ressasser de vieux et douloureux souvenirs, voyez-vous."

Le chat ne broncha pas et se cala plus confortablement sur les épaules de la patronne, se tenant prêt à réagir si elle disait trop de bêtises.

"Bon... Je suis née dans un petit village à l'est de San-Antonio, Texas. C'est là que l'histoire se passe. Le ou les Khurans locaux sont installés dans le château, qui n'est pas un château mais un ranch, mais tout le monde appelle ça le château. J'y ait été emmenée quand j'étais plus jeune, c'était... Hmm... Quand j'étais plus jeune, je ne me rappelle plus... Bref, dans ce château, ils gardent les gens dans des pièces minuscules, et ils leur font des choses. Ils m'en ont fait aussi quand ils m'ont emmenée, mais je ne me rappelle plus. Depuis, j'ai perdu la tête, alors c'est compliqué de se rappeler. Mais je pense qu'ils m'ont lavé la cervelle, c'est à cause de ça que les gens me prennent pour une folle et et et"

"Ola, calme-toi... Tu étais sur la bonne voie, reprends calmement."

"Pardon. Bref, ensuite je me suis échappée avec mon chat ici-présent. Le chat, je l'ai trouvé dans le château aussi, c'est un chat spécial qui"

"Nonononon, change de sujet ou tu vas te couvrir de ridicule."

"Bref, ensuite je suis venue jusqu'ici avec mes seules jambes et mon courage, et puis, oh oui, j'avais peur! Vous avez déjà été séquestré ou torturé, capitaine? Non? Croyez-le, si on vous gardait enfermé dans un endroit tel que celui dont je reviens, vous aussi vous l'auriez fui avec la peur au ventre! J'avais peur qu'ils me reprennent et que tout recommence, vous comprenez! Mais qui dit peur ne dit pas simplement peur, il dit aussi "vengeance". C'est pourquoi je prépare activement ma revanche sur ces êtres barbares, histoire que justice soit faite. Mais cette partie là, elle ne concerne que moi, pas vous, c'est ma guerre et pas la vôtre, celle-là. Bref, c'est à partir de là que j'ai besoin de rencontrer vos alliés Farsighted, comme vous dites. Je pense qu'ils pourraient m'aider à retrouver la mémoire, et peut-être aussi me donner une astuce ou une aide quelconque pour que je puisse accomplir mon devoir."

Lydia regarda tour à tour, comme un arbitre de tennis, le capitaine et son second, puis termina:

"Fini. Alors, convaincus? Vous m'envoyez voir vos chefs?"

"Tu t'en es pas si mal sortie que ça. Mais toujours aussi lyrico-dramatique, faudrait que tu perdes cette habitude..."

Le "scribe" nota, tournant parfois la tête vers son supérieur, demandant implicitement s'il devait aussi noter les passages incohérents et farfelus; mais le capitaine lui fit tout noter.

Delson attendit la fin du récit pour reprendre la parole, d'un air extrêmement circonspect, après s'être frotté son menton rasé de frais en signe de réflexion.

"Pour être honnête... Ça se voit que vous avez été stigmatisée, traumatisée par la captivité. Votre récit est plein d'incohérences, d'approximations, et ne repose que sur votre parole...

Toutefois, vous apporté un nouvel élément sur le tapis: le fait que les Khurans vous aient gardé captive, vous et d'autres personnes, au sein de leur cache; c'est très inhabituel de leur façon de procéder. En temps normal, un Khuran laisse ses vampires faire tout le travail, que ce soit pour le nourrir ou pour assurer sa protection; nous n'avons jamais entendu parler de Khurans qui séquestraient les humains sous leur joug. Juste ce point, ça mérite d'être rapporté au département scientifique de l'armée, avec plus de détails."

Le capitaine parut réfléchir encore un moment, en fixant cette fois-ci le chat de Lydia.

Puis il finit par dire:

"Bon... Je vais vous faire une lettre d'introduction qui vous permettra de rencontrer l'état-major et le département scientifique, à qui vous expliquerez ce que vous savez de cet endroit, ce château, et des Khurans qui l'administrent. Essayez de vous souvenir de plus de détails, d'ici là; car si tout ceci vaut le coup, vous gagnerez votre ticket pour rencontrer les Farsighted.

Morrisson, remettez votre rapport sous pli à Hell Hammer, et donnez-moi l'une de vos feuilles et votre stylo, merci."

Le capitaine rédigea rapidement la lettre d'introduction, puis la plaça sous enveloppe et la tendit à son tour vers Lydia:

"Il vous faut aller à Wolf Hill, au camp militaire précisément. Allez à l'administration et donnez-leur cette lettre, ils vous dirigeront ensuite vers les personnes compétentes. Bonne chance."

Il ne fallait pas encore crier victoire, car ce n'était que le premier pas de franchi dans un long parcours semé d'embûches (vive l'administration). Lydia devrait s'attendre en encore beaucoup voyager et raconter de nombreuses autres fois son histoire avant de rencontrer les fameux Farsighted...

En comprenant que son discours avait été assez convaincant pour obtenir un ticket d'entrée pour rencontrer les têtes pensantes de l'armée, Lydia faillit hurler de bonheur et de joie. Elle faillit le faire, laissa échapper une sorte de son ressemblant à un hoquet puis se ravisa; en plus son chat lui planta une griffe dans l'épaule pour l'aider à réfréner ses ardeurs.

Cependant, vous commencez à connaître le sujet...

"Je vous remercie infiniment, monsieur mon capitaine, vous me sortez d'une situation fort désagréable et je vous suis éternellement reconnaissante ! Comptez sur moi pour étoffer mon récit et plus laconiquement pour faire tomber mon marteau sur la tête des Khurans ! On va la gagner, cette foutue guerre, capitaine ! Merci encore ! "

Elle emporta rapidement les papiers, imita un salut militaire, et quitta la tente, toute enjouée. Sur son épaule, Jimmy commenta:

"Ok, je sais pas comment tu as fait, mais bravo... C'est un miracle qu'il existe des gens aussi crédule."

"Tatata, que nenni mon cher ami ! Une dose de psychologie féminine, le charme aidant, un discours un peu mélodramatique sur les bords et le tour est joué, c'est cela mon secret ! "

"Psychologie féminine? Charme? Tu as une bien haute estime de toi, ma grande..."

"Rooh, joue pas les rabats-joies, Andy"

"Jimmy."

"Ouais, Jimmy, c'est pareil; joue pas les rabats-joies, et n'essaye même pas de me démoraliser, tu n'y arriveras pas ! Je suis remontée à bloc là, je pète la calamine au magnésium, mon cher !"

"Et bin."

"Ouaip ! Alors prépare-toi à voir du pays, pour la seconde fois, puisque on part sur le champ à Wolf Hill, mon pépère ! "

"J'en suis joie. Si si, vraiment."

"Tu peux ! here we go my friend ! "

"... Youpi."



[Suite dans le topic du voyage Little Rock / Wolf Hill ]